
L'enfer de Dien Bien Phu
« J’ai mal à l’Algérie, comme d’autres ont mal aux poumons », disait Camus. La position de Camus sur l’Algérie a été complexe. Aujourd’hui, elle est devenue plus audible, car elle est en rupture avec les idéologies totalitaires qui nous ont fait, et continuent de nous faire tant de mal. Isolé par des polémiques souvent très dures, Camus connaît alors une crise dont on ne mesurera la gravité qu’après sa mort brutale en 1960, deux ans avant l’accession de l’Algérie à son indépendance et la déportation de plus d’un million d’Algériens qui choisirent de rester français.
Sur scène : Cinq comédiens répètent un spectacle dans lequel ils cherchent à explorer le rapport passionnel que Camus a entretenu avec sa terre natale, l’Algérie. Tout commence avec l’accident qui lui coûte la vie, le 4 janvier 1960, et la découverte d’un manuscrit inachevé, publié beaucoup plus tard sous le titre Le premier homme. À partir de là, et à travers une série d’échanges contradictoires et souvent véhéments, est posée la question de l’engagement de Camus pendant la guerre d’Algérie. Tour à tour, le journaliste, le dramaturge, le romancier et tout simplement le témoin de son temps sont convoqués à la barre du tribunal de l’Histoire pour s’expliquer et se faire entendre.
Selon Jean-Marie Papapietro, « cette forme de théâtre qui place le spectateur en position d’arbitre répond au besoin largement répandu de questionner le passé pour essayer de mieux comprendre notre présent ». « Ayant passé moi-même, ajoute-t-il, toute mon enfance et mon adolescence en Algérie française, j’ai souhaité revenir à Camus pour mieux comprendre la position d’un artiste et d’un penseur dont l’honnêteté intellectuelle est reconnue par tous. Plus d’un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, il me semble que la lucidité désespérée de Camus méritait d’être entendue et méditée aujourd’hui, à l’heure où les pires formes d’exclusion, d’intolérance et de fanatisme se manifestent à nouveau, un peu partout dans le monde.
La pièce L’Énigme Camus, une passion algérienne, de Jean-Marie Papapietro, a été créée à Montréal le 12 novembre 2014, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Dans le livre, on retrouve en annexes au texte de la pièce, outre des repères biographiques sur Camus, une entrevue d’Anne-Marie Cousineau avec Jean-Marie Papapietro, une analyse critique par Sophie Bastien et un texte de Jean-Marie Papapietro, écrit à l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Albert Camus. Les photos du spectacle qui illustrent le livre sont de Michael Slobodian.